Grand Prix de France Historique - Partie 2

Nicolas Hermet - 2022-07-13
Photo Sandrine Berger


Dans l’article précédent je vous avais laissé sur votre faim. Presque à la manière d’un cliffhanger digne des séries télévisées. Je le sais c’est mal. Mais voici la suite de l’histoire.


UNE DEUXIÈME COURSE SANS ESPOIRS


Suite à mon résultat de la veille, je pars 33ème sur 46 au classement général. Michel Dupont, a lui fini 2ème de la catégorie la veille, se plaçant ainsi 26ème au général.

7 places vont donc nous séparer au départ. Autant dire un fossé galactique lors d’un départ lancé.

J’ai donc déjà perdu. Il ne sera plus possible de faire un podium. Au mieux, juste une belle course et le plaisir d’avoir été là, entouré de pilotes de renoms comme Eric Helary et Soheil Ayari.

Mais pas de podium. C’est impossible.

Entre cette course du samedi et celle du dimanche. Je me rends compte à quel point je voulais gagner. Je voulais gagner le Grand-Prix de France Historique. Point. Pas juste participer.

Je me rends compte à quel point je me sens nul d’avoir gâché mes propres chances. Cela ne se voit pas bien sûr, et je continue à rire de mon tête-à-queue avec mes proches. Mais dans le fond je pleure presque d’avoir gâché cela et surtout j’en prends conscience.

Je voulais gagner au moins une course dans le week-end. Et maintenant, c’est impossible. Il faut que je fasse une croix dessus.

Je me lève donc en ce dimanche matin (réveil à 5h30) en comprenant qu’accepter cette situation est ma seule chance. Juste l’envie de faire une bonne course doit survivre. De remonter autant de places que possible. De péter les chronos. Mais juste pour le fun, en acceptant qu’il n’y ait plus de podium à la clef.

Bref. Revenir dans la position de l’outsider. Celle qui me va si bien.

Photo officielle : Michel Naquet



UNE STRATÉGIE DIFFÉRENTE.


Ne pas répéter la même erreur que la veille. 

Pour le coup, je ne prends pas un super départ. Et décide même de me mettre au pire endroit pour le premier virage : le milieu de la piste, entouré par des concurrents de part et d’autre.



Mais cela fonctionne, pas d’accrochage et une bonne vitesse en sortie du premier virage.

Je remonte petit à petit quelques pilotes et finit par arriver au niveau de Michel et Régis et les double même !
Ce dépassement n’aura été que de courte durée. Nous sommes 46 à prendre le départ, il y a donc du trafic et d’autres pilotes ont eux aussi besoin de remonter. Michel repasse devant.

Je bataille avec deux Van-Diemen pendant un moment. On se gêne, et je regarde Michel s’éloigner. Comme à Dijon, il a maintenant presque une ligne droite d’avance. Sauf que cette fois je n’ai pas de problème mécanique.

Michel est 3ème. C’est donc un podium que je vois s’éloigner.

Et là, surprise, le pilote de la Van-Diemen devant moi fait un signe.


Un signe qui ne trompe pas.


Je le connais ce signe, c’est celui d’un ancien pilote de kart. La traduction est compliquée mais en karting il signifie : “pousse-moi en ligne droite et prends l’aspiration”. L’idée est de s’entraider pour rattraper la tête de course, au lieu de disputer une place qui ne nous intéresse finalement pas. Je répète son geste pour l’autre pilote derrière moi.

Nous formons une unique ligne, et nous prenons soin de nous doubler intelligemment dans la ligne droite. Sans qu'aucun ne fasse perdre du temps aux deux autres. Chacun prenant tour à tour l’aspiration des autres.

Cela fonctionne.

Mes chronos fondent, et je regarde l’écran sur mon volant qui m’indique que je boucle désormais un tour en 2’31… Soit trois secondes de mieux que la veille.

Michel n’est plus qu’à quelques secondes devant, et je suis à la tête de ce trio lorsque je boucle mon 7ème tour.

Antoine, penché par-dessus le muret des stands, me fait signe. Depuis la voiture et avec la vitesse je ne vois qu’une vague agitation au-dessus des ses lunettes de soleil caractéristiques mais je comprends son message : “Michel est juste devant toi : va le chercher”. 

Je précise que “juste devant”, signifie tout de même une demi-ligne droite des stands. Environ 3 secondes nous séparent. Autant dire une éternité.

Il me reste un tour. Nous ne sommes plus que deux à jouer avec l’aspiration. La deuxième Van-Diemen ayant lâché du terrain.

Je me fais doubler proprement avant la chicane du mistral. Je bénéficie à nouveau de l’aspiration et le double dans Signe. Un virage qui se passe à 200km/h.

Michel est là. A la sortie de Signe. Accessible.

Arrivé dans le double droit du Beausset, je le vois faire ce qui me semble être une erreur. Je fonds sur lui mais il est encore un peu trop loin pour tenter une attaque.

Pourtant je suis désormais juste derrière lui. Le museau de ma monoplace est littéralement dans sa boîte de vitesses. La Van-Diemen derrière moi n’a pas tenu le rythme des deux derniers virages. Je n’aurais pas de gène.
Virage de Bendor, Michel ouvre la porte….

…J’ai choisi de ne pas le doubler.



SOUVENIR DE KARTING


Du temps où je faisais beaucoup de karting j’avais deux spécialités. Passer à l’extérieur au premier virage pour doubler tout le monde. Et prendre la première place dans le dernier virage du dernier tour.

Pour cette deuxième technique, l’idée est de mettre la pression pendant plusieurs tours. De se montrer dans les “rétros” du leader. Les gens ont une tendance maladive à se déconcentrer au dernier virage avant la ligne d’arrivée, comme si, arrivé dans le dernier virage, la course était déjà gagnée. Fatalement c’est dans cette situation, à cet instant, que la concentration est au plus bas. C’est ce moment que je choisis pour attaquer et pousser à la faute.

La première technique m’a mise dans une mauvaise posture la veille. J’aurais dû calmer mes ardeurs, pourtant je choisis de tenter la seconde. Je ne peux m’empêcher de repenser à ce que serait ma déception si cela devait échouer à nouveau. Si près du but. D’ailleurs : je ne suis dans les rétroviseurs de Michel que depuis 2 virages. Est-ce suffisant ?

Je le tente. Je mets une pression de dingue, le museau de ma voiture se faisant limer par ses roues arrière.

Dernier virage.

Michel décide de prendre la trajectoire de défense. Plus fermé, il aura donc une vitesse de sortie plus faible que moi avec la trajectoire école.

Ma stratégie fonctionne !!

Je prends mon dernier virage avec précision. 

Dernière ligne droite.

J’ai plus d’accélérations que lui et me porte maintenant à son niveau.

Le drapeau à damier est en vue. Nous sommes près des 150km/h et mes roues avant ont encore un petit mètre de retard sur les siennes mais j’ai définitivement plus de vitesse.

Vais-je avoir le temps avant la ligne ?



DEUX BATTEMENTS DE CILS



Ou exactement 93 millièmes de secondes.
C’est le temps qui sépare nos deux voitures.

Et c’est aussi l’explosion de joie au sein de mes proches.

Michel est beau joueur et nous nous saluons. Mais je vois à son visage qu’il est profondément déçu. J’en viens même à m’en excuser. Je sais à quel point cela doit être dur pour lui. Je me rassure en me disant qu’il a fait un podium la veille.

Pour ma part, je profite du mien aujourd’hui.

La cerise sur le gâteau ?

C’est René Arnoux qui me remettra le trophée de la troisième place. Ce même René Arnoux qui vivait une course d’anthologie à Dijon en 1979.

Photo : Coraline Fradin



REMERCIEMENTS


Je voudrais commencer cette section par afficher tout mon soutien à Eric Lecluse, qui n’était pas présent sur ce meeting pour des raisons personnelles.
Toutes mes pensées vont vers lui, je suis de tout cœur avec toi Eric. Reviens-nous vite.

Merci naturellement à tous mes partenaires pour cette saison : le Volant Michel Vaillant x Yema, la vaillante académie, les circuits de Vendée, l’horloger Yéma et également à l’équipementier RRS.

Et surtout : merci Classic Racing School. Sans vous je ne vivrais pas autant d’émotions pendant mes week-ends.

Enfin, un grand merci à mes proches d’être venu sur ce grand prix de France. C’était une vraie joie de pouvoir partager ce podium avec vous. Et c’est aussi un soulagement de savoir que vous avez été aux premières loges pour voir ce dépassement sur la lignée d’arrivée. Puisqu’aucune GoPro ou caméra n’aura pu capturer cet instant. J’espère qu’il restera dans vos mémoires.

De mon côté cet instant restera gravé dans la mienne, c’est certains.