Val de Vienne - je t'aurais un jour.

Nicolas Hermet - 2022-09-26

Un week-end riche en enseignement. Mais un week-end qui fait aussi mal à soi. À l'ego. Un air de déjà-vu malgré une progression certaine. Je vous raconte comment se passe ce 5-ème meeting de course en tant que Michel Vaillant, cette fois lors de l’Historic Tour 2022 au Val-de-Vienne.


Ma première expérience sur circuit.


C'est lors de la J-Cup organisée par Feu-Vert que j'ai effectué mes premiers tours de roue. C'était il y a 14 ans maintenant, et je n'ai fait alors que 3 tours dont un seul lancé, sur seulement la moitié est du circuit. Autant dire rien.
A l'époque, seulement deux dixièmes de secondes à un slalom m'ont éloigné de la finale.
Cette fois-ci, c'est fort de ma progression lors du Grand-Prix de France Historique, que j'arrive sur ce circuit très technique, mais très adapté à mon style de pilotage.


Confiant avec l'envie de rattraper mon retard de point


Après les essais du vendredi matin, je retrouve mes marques dans cette magnifique Crosslé 16F.
Je devais revoir la Lotus 69, mais malheureusement le moteur n'étant toujours pas remonté depuis l'incident de Dijon. Les dernières pièces étant arrivées à peine deux jours avant le week-end. Merci le Brexit.
Je prendrais donc cette Crosslé, normalement conduite par Fédérico, un autre pilote de l'écurie. Il s'est malheureusement cassé le poignet. On lui souhaite un bon rétablissement.

Cette voiture à un comportement beaucoup plus proche d'un karting que la Lotus, et j'ai pu approcher et apprivoiser les limites de l'auto grâce au circuit du Castellet.

Je suis donc confiant, mes premiers tours de roues et mes essais sont prometteurs et me placent en bonne voie pour aller chercher mon principal concurrent : Eric Lecluse.


Des bonnes qualifications


Après de bons essais qui se sont déroulés on ne peut mieux, c'est samedi matin de bonne heure que se déroulent les qualifications.
Et là on sent déjà que certains ont quelques points de retard au classement.
Tout le monde se double, tout le monde se gène. Je peine à enchaîner des tours clairs sans être gêné par un pilote plus lent, sans avoir à m'écarter pour laisser passer un pilote d'une autre catégorie.

Je finis par rater un freinage et partir dans le bac à gravier.
Je parviens tant bien que mal à garder la voiture en mouvement et à la sortir du bac. Mais comme me l'a dit Théo, mécanicien de la Classic Racing School présent sur les manches de l’Historic Tour, il faut que je rentre aux stands pour faire un check rapide.
Ce serait trop bête de casser une pompe à eau dans l'opération et ainsi compromettre mes chances pour la course.
Mine de rien je vois sur le chrono que j'ai fixé au volant que mes temps aux tours sont bons : 1'53.2.
Théo en profite pour m'indiquer que je suis pour l'instant quatrième à seulement un dixième d'Eric Lecluse. Il reste 2 minutes au chrono avant la fin de séance. C'est à 7 secondes près suffisant pour faire un tout dernier tour.

Je ressors des stands, et donne tout ce que j'ai.

Je fais un tour hors norme, doublant les pilotes en décélérations. Je réussi à maintenir un excellent rythme mais je suis gêné. Je me retrouve derrière Eric qui ralentt pour rentrer aux stands. Je franchi la ligne et voit sur le chronomètre fixé au milieu de mon volant que j'améliore mon chronomètre de deux dixièmes de secondes.

Est-ce suffisant pour passer devant Lecluse ?

Je resterai finalement qualifié quatrième. À une seconde exactement d'Eric qui aura réussi à améliorer grandement dans son dernier tour. Les deux autres concurrents sont Paul McMorran, managing directeur de Crosslé et Pierre-Alain Lombardi qui compte tout de même 5 participations aux 24h du Mans.
Mais clairement sans la gêne de ce dernier tour, je le sens : j'ai encore une seconde voir deux à aller chercher.


Un débriefe. Un vrai.


Pour l'exercice de Coaching, c'est Malivaï Castelli qui s'y colle pour ce week-end. Lors du Volant Michel Vaillant x Yema, nous avions bien accroché. Il aimait mon style et j'aimais sa manière de coacher.
Facile d'y rentrer, difficile d'en sortir...

Depuis nous avons eu l'occasion de nous connaître et nos dialogues sont débridés, sincères et directs.

" Mais tu fais quoi là ? T'es sérieux ? Avec le niveau que tu as ?
Mais heureusement que je n'ai pas été dans la voiture avec toi, sinon je te mettais une claque dans le casque ! Plus jamais tu ne me refais ça !"

Cela parait très dur comme ça, mais c'est simplement parce que Malivaï sait ce dont j'avais besoin à ce moment-là : d'un coup pied à l'arrière-train.

Plus en détails, ce briefing m'apprendra que je ne peux plus traiter une séance de qualification comme une simple séance d'essais et partir à pleine balle comme je le faisais avant. J'ai le niveau pour aller chercher de grandes performances, et selon lui, je les gâche à ne pas vouloir "professionnaliser" ma manière de rouler. Ne pas oublier de correctement chauffer ses pneus au début de session, afin de faire le meilleur chrono le plus rapidement possible et permettre alors d'observer ce que font les autres, prendre les signes vitaux de l'auto en rentrant aux stands etc...

Cela veut aussi dire qu'il faut que je sois plus appliqué aux essais, et que je dois prendre plus de risques afin de pouvoir atteindre plus rapidement le potentiel de la voiture, et ainsi ne pas avoir à le faire en qualif ni en course comme je le faisais jusqu'alors.

Ce débriefe, était juste. Il me fera passer un cran au dessus encore lors du prochain meeting de l’Historic Tour 2022, à Charade.

Pour l'instant l'heure est à la course.


Une pilotite aiguë. C'est grave docteur ?


Si vous regardez attentivement le départ, et notamment mon levier de vitesse, vous constaterez sans doute une chose. La vitesse à sauté avant le départ (seconde 44" de la vidéo)


Le résultat ? Je reste scotché au départ. Me faisant donc doubler par beaucoup de concurrents.

Mais ce n'est pas fini : impossible de passer la 3ème, ce qui me fait perdre encore plus de positions lors du premier tour, pour au final me retrouver dernier.

Quelque chose ne va pas avec cette boîte de vitesses, je décide de rentrer aux stands ne pouvant continuer de cette manière.

Nous découvrirons qu'il s'agit là d'une erreur de pilotage liée au stress. Je n'enclenche pas correctement la vitesse, qui fatalement ne reste pas en place. Rien de plus. Mais me retrouvant maintenant à plus d'un tour de tout le monde, et avec un tel énervement, je choisis l'abandon. La machine est trop précieuse pour risquer quoi que ce soit sur une course qui manifestement est perdue.

Comme me le dira Malivaï : c'est une pilotite aiguë.
Encore une fois, c'est dur à entendre, mais cela me secoue pile de la bonne manière.


Course 2, ne pas répéter les mêmes erreurs


Le lendemain, Théo m’affirme avec aplomb qu'il a intégralement changé la boîte de vitesses.

Je sais que c'est faux.

Il sait que je le sais.

Mais c'est une manière de me conditionner psychologiquement sur le passage des rapports qui, jusqu'à la veille, ne m'avait jamais fait défaut.

Pour cette deuxième course, je pars juste aux côtés d'Eric Lecluse, et derrière Pierre-Alain et Paul. Je ne cache pas que passer devant ces trois concurrents et garder Eric à distance me permettra de réduire considérablement l'écart de points qui me sépare de la tête du championnat.
C'était le but de la veille déjà. Pourtant l'écart s'est creusé. A minima je dois donc tout faire pour limiter la perte de points du week-end.

Me positionnant au départ, la première bien enclenchée, ma concentration est maximale.

Je suis du bon côté de la piste pour m'insérer à l'intérieur au premier virage et doubler mes concurrents. Si je fais un départ canon je peux directement arriver en première place au premier virage et accrocher la tête de course roulant pourtant dans une catégorie plus rapide.

Les feux s'allument.

Je ferme ma visière.

Les feux s'éteignent, c'est le départ.

4 centièmes de secondes

C'est le temps de réaction que j'ai eu lors de l'extinction des feux.
Un départ canon.
Pourtant, passée la seconde, la voiture se met à brouter. Comme elle le ferait en sous régime.

Éric Lecluse repasse devant, puis Regis, puis Mayeul...

Je tiens bon jusqu'à la ligne droite suivante seulement pour constater que l'aiguille du compte tour fait n'importe quoi. Pourtant, la pression d'huile est bonne, la température d'eau aussi.
Mais voilà c'est le même symptôme qu'à Dijon.
Je ne peux me permettre de casser à nouveau un moteur sur une deuxième voiture.

Résigné je lève donc la main pour terminer mon tour en roues libres et rentre aux stands.



Manque de métier


Arrivé au box, j'explique à Théo le problème. Il s'agit simplement du coupe circuit que je n'avais pas remonté jusqu'en haut. Ce faisant, les vibrations le faisaient osciller entre les positions On et Off, provoquant ainsi des soubresauts dans le moteur.

C'est bête, mais il fallait le savoir. Et je n'ai pas été en mesure de le diagnostiquer en live.

J'aurais pu continuer. Mais à cet instant, je vois au loin le peloton passé devant la sortie des stands. Je suis donc à 1 tour de tout le monde.

Dégoûté, mais résigné, je décide à nouveau d'abandonner. Cela ne vaut pas le coup de continuer, de risquer un accrochage ou une panne.

Mais maintenant je saurais diagnostiquer cette "panne" si ce cas de figure se représente. Un maigre lot de consolation qui me rappelle qu'il ne s'agit là que du 5ème week-end de course de ma vie, le 4ème dans cet Historic Tour 2022.




Le Val-de-Vienne n'est pas encore pour moi


C'est un nouvel échec pour moi au Vigeant. Presque 15 ans après le précédent. Mais tout de même j'en sortirai grandi.
Je sais maintenant de quoi je suis capable sur un circuit technique en termes de chrono.

Je reviendrais plus fort et plus motivé que jamais à Charade.

D'ailleurs je me dois de remercier énormément la Classic Racing School pour leur soutien logistique et leurs efforts colossaux dans la réparation de la Lotus 69, le prêt de cette Crosslé pour le Val-de-Vienne et tous les services qui viennent avec sur cet Historic Tour 2022.
Un grand merci à Coraline pour le réceptif toujours au top pendant les meetings de course.
Merci aussi à Théo et Malivaï de m'avoir supporté pendant ce week-end, même si je n'ai pas été à la hauteur de vos espérances.
Et également un immense merci à tous nos partenaires sans qui rien de tout cela ne serait possible.
Je pense bien sûr à la Vaillante Académie et son fameux Volant Michel Vaillant x YEMA qui m'a permis d'être là. Mais également merci aux Circuits de Vendée, à YEMA, et à RRS.