Télétravail : Le Guide Complet — Chapitre III

Nicolas Hermet - 2020-03-26
Routine, Photo by Claudiu Hegedus on Unsplash
Quels horaires, quelle routine, la discipline… ou pas.



La série d’articles :




L’honnêteté, l’honnêteté, qu’il disait…


Ne vous cachez pas… Je le sais… Vous avez essayé de bosser en slip pendant quelques jour la semaine dernière. C’est ok. Je ne vous juge pas, j’ai fait pareil. Sauf que probablement contrairement à vous j’ai arrêté quasi immédiatement. Explications.

Il y a maintenant 9 ans je faisais un burn-out… Rien de fou au 21ème siècle me direz-vous. Soit. Une des raisons était l’absence totale de séparation entre ma vie pro et ma vie perso… Idem, rien de nouveau, l’absence de régulation est un bon facteur.

Oui… Sauf qu’en vrai tout ça c’est parce que j’ai voulu me payer le luxe d’habiter en face de mon lieu de travail. Il fallait simplement que je traverse une rue pour aller travailler le matin. Je pouvais voir mon bureau depuis ma fenêtre, et mon salon depuis la fenêtre de mon travail. Pratique non ?

C’était la pire expérience personnelle que j’aie jamais vécue. Je ne le souhaite à personne. Depuis j’ai toujours essayé d’habiter à minimum 5 minutes de mon lieu de travail.

Ok et en télétravail on fait comment pour éviter ça ??

Eh bien cette expérience m’a conduit à un constat : en vrai ce qui compte c’est la séparation émotionnelle. Se constituer un mindset spécifique pour le boulot. Un autre pour sa vie perso. Avec ça, normalement, vous pourrez passer de l’un à l’autre en un claquement de doigts.
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Se constituer un mindset pour le télétravail, les différentes méthodes

Méthode 1 : Routine et Discipline


C’est une première méthode. À mon avis, c’est même la plus simple pour commencer. Vous vous fixez des horaires, comme vous le faisiez avant le confinement d’ailleurs.

Vous vous souvenez de mon emploi du temps type ? Il ne sort pas du chapeau. Vous pouvez commencer par ça et vous y tenir. Éventuellement tous les deux ou trois jours, vous faites le point et vous changez des trucs si cela ne vous convient pas.

L’idée principale est de bien faire l’effort mental de se dire qu’à la minute près, paf 💥 vous êtes au taf le matin… Et qu’à la minute près, paf 💥 vous ne l’êtes plus le soir.

Les avantages
  • c’est facile à mettre en place.
  • Vous ne risquez pas de vous retrouver à travailler trop ou trop peu.
  • Vous pouvez continuer à bosser en slip, puisque la seule chose qui compte ce sont les horaires et pas le reste. N’oubliez pas d’enfiler un haut pour les visios tout de même. Enfin après tout : faites comme vous voulez, je ne juge personne.

Les inconvénients
  • Cela peut générer du stress : “merde je suis en retard !”.
  • Moins de liberté d’organisation de son temps personnel. Si je lance une lessive entre midi et deux c’est pratique, mais comment ça se passe pour l’étendre une fois finie ? Car il y a de grandes chances que cette étape se fasse pendant vos horaires de travail (une lessive prend facile 1 à 2h et vous l’avez lancée pendant votre déjeuner). Pas très grave me direz-vous, ça prend juste 10 minutes à étendre ? Certes. Mais cumuler les deux, c’est prendre le risque que son cerveau ne fasse plus la distinction pro/perso.
  • On risque de se calquer sur les horaires pré-COVID-19, et d’oublier qu’avant on faisait 1h aller-retour de trajet ou plus… Qui se transforment donc en 1h de boulot en plus. (Coucou ma chérie, oui je parle de toi là 😄).

Vous l’aurez compris c’est pas mal, mais on n'exploite pas la quintessence du télétravail à mon sens.

Je vous le conseille néanmoins, si vous n’êtes pas du genre à avoir un mental d’acier (solide suffit, mais j’aime bien les superlatifs).

J’ai pas honte de le dire, c’est ma solution refuge les 3/4 du temps.


Méthode 2 : Séparation du lieu


C’est pas compliqué à comprendre : vous isolez votre espace de travail du reste de votre maison ou appartement. Si vous avez une pièce en plus c’est fastoche. Dans cette pièce : vous êtes au travail. Dans toutes les autres : vous ne l’êtes plus !

Encore faut-il bien faire un travail sur soi et ne pas mélanger les deux. Ne rentrez donc pas dans votre lieu de travail avec votre [insérez ici un objet qui n’a rien à voir avec votre boulot]. Idem : ne ramenez pas de boulot dans les autres pièces ! Sinon cette méthode tombe à l’eau.

Idem avec vos proches, il faut que la règle soit claire. Vous êtes dans cette pièce : vous n’êtes pas sollicité par eux. Vous êtes dans une autre pièce : vous êtes “rentré à la maison”.

Les avantages
  • La distinction est claire et franche.
  • La séparation physique envoie un signal clair à votre mental, votre concentration est facilitée.

Les inconvénients
  • Evidemment il vous faut une pièce à part… Tout le monde ne peut pas…

Mais… Attention au piège du “coin bureau” :

La séparation qui n’en est pas une, cette table avec votre ordinateur en plein milieu du salon. Vous voyez de quoi je parle ? Et bien c’est un jeu dangereux. Si vous vivez seule ou seul en ce moment c’est encore jouable.

Mais en couple ça peut devenir très compliqué, surtout quand l’autre ne travaille pas selon le même rythme que vous. Comment ne pas se gêner, peut-on interrompre l’autre ? Est-il en train de bosser ? Pour moi qui suis franchement geek à mes heures, être derrière un ordinateur n’est pas synonyme de travail. Comment peut-elle alors savoir si je bosse, ou si je passe un peu de temps libre ? Imaginez le coin bureau dans le salon : comment regarder la télé si l’autre est en train de bosser dans la même pièce ? Mais l’autre doit-il ou elle s’interdire un moment de détente pour autant ?

Bref, une situation pas claire peut mener à des disputes et des frustrations. Ne plaisantez pas avec la chose en ces temps-ci. J’ai une autre méthode à vous proposer.

Méthode 3 : Rituel et PNL


Une deuxième approche que j’ai essayée et qui est très intéressante est celle du rituel.

C’est pratique pour ceux qui n’ont pas un vrai coin bureau chez eux. Mais aussi pratique pour ceux qui ne veulent pas figer leurs horaires.

En effet, avoir des horaires libres permet d’obtenir une sensation de liberté assez grande, pour peu que sa moitié soit au courant et puisse repérer la séparation pro/perso.

Il s’agit de créer un rituel, qui permet à son cerveau de se mettre en condition “ok je suis au taf”. De même il faut un rituel de sortie pour que le cerveau puisse lâcher prise.

Pour ma part, ce rituel d’entrée était :
  1. Réveil
  2. Café / lecture (~1h) (non je ne prends pas de petit-déjeuner, je sais…)
  3. Douche et habillage pro (~10 à 20 min)
  4. Démarrage du PC

Dès l’instant ou je posais mes fesses sur ma chaise de bureau : j’étais au travail.

Mais un détail vous aura peut-être échappé : habillage pro. Oui, bon, je suis développeur, donc mon habillage pro de ces 3 dernières années c’est plutôt t-shirt et sweat à capuche. Mais tout de même, ce n’est pas un jogging, ni un pyjama, encore moins juste en caleçon. Et c’est justement ça qui fait que mon cerveau se dit : “ok c’est parti !”.

Vous pensez que c’est du flan ? Je vous assure que non.

Poussées à l’extrême, certaines personnes peuvent simplement changer de paire de chausson. C’est leur rituel. Une paire pour le boulot, une paire pour le pro. En fonction des chaussons que vous avez aux pieds, votre cerveau saura faire la différence. Un peu comme un réflexe de Pavlov. J’invente rien ici… J’ai piqué l’anecdote dans le livre Remote: Office not Required de Jason Fried et David Heinemeier Hansson.

Les avantages :
  • Vous pourrez passer du pro au perso en un clin d’œil, plusieurs fois par jour même si ça vous chante.
  • C’est beaucoup moins contraignant que les autres méthodes, et donc…
  • …Cela procure plus de sensations de liberté, de contrôle de sa vie.

Les inconvénients :
  • Cela demande de la discipline.
  • Cela demande quelques jours (semaines suivant les gens ?) d’adaptation disciplinée pour que votre cerveau enregistre cette distinction.
  • C’est fragile. Je veux dire par là, que même expert du truc, vous n’êtes pas à l’abri de tomber dans le piège et que la séparation pro/perso devienne floue malgré tout… Attention donc.

Exercice : Posez-vous 5 minutes pour vous souvenir de ce qui faisait que vous vous sentiez au travail avant le confinement. Il y a sûrement quelque chose à creuser de ce côté ? Essayer de reproduire cette chose peut vous mettre en condition.



Rien n’est figé dans le marbre


L’avantage de tout ça c’est qu’effectivement rien n’est figé. Quelle que soit la méthode que vous choisissez, vous pourrez l’adapter doucement au fil du temps.

Voir, changer brusquement de méthode, d’horaires etc… Cela ne regarde que vous, et les personnes qui vivent avec vous.

La seule condition, c’est de toujours prévenir ses collègues lors d’un changement. Ils doivent savoir quand ils peuvent vous joindre !


La routine : c’est de ne pas en avoir.


Oui c’en est une. Et franchement elle fait du bien celle-là de temps à autre : cassez les codes, systématiquement, tous les jours, plusieurs fois par jour même si vous le souhaitez. Cela fait du bien à votre cerveau en lui proposant du neuf à gogo, donc c’est bon pour votre moral !

Mais attention, ça, c’est déjà le niveau 2 du télétravail, n’essayez ça que si vous vous sentez en confiance.

“Oui mais mes collègues du coup ?”

Eh bien dites-leurs ! J’ai moi-même un collègue, dont je ne connais jamais les horaires… Jamais. Donc lorsqu’on a besoin de s’appeler, de faire une visio ou autre, je ne sais pas s’il est au travail, ou non.
Mais c’est pas grave car de son côté il accepte de recevoir des notifications, appels et autres, même aux heures où il ne travaille pas. Simplement s’il n’est pas au travail, il ne répond pas aux notifications (mais les consulte) et décroche le téléphone uniquement pour répondre “On peut se rappeler à xxh ?”. Voilà. Et ça fonctionne aussi.

Dans le monde du télétravail, beaucoup de choses deviennent possibles. Alors n’hésitez pas à expérimenter !



Tout faire pour séparer le travail du non travail


Vous l’aurez compris, en télétravail, vous ne pouvez vous permettre le luxe de confondre votre vie pro et perso. En tout cas pas dans la durée.

Un risque connexe est bien sûr le temps passé à travailler. Pour moi il est clair que travailler trop, nuit à votre productivité et efficacité. Tout comme passer trop de temps sur une tâche. (Tout comme ne pas travailler assez hein ?)


Le rythme


Je vous conseille de prendre une journée ou deux pour apprendre à utiliser un tracker de temps comme Toggl par exemple.
Toggl : un outil qu'il est bien pour savoir où on perd du temps.
Cet outil est vraiment pratique, soit pour vérifier qu’on bosse bien autant qu’on le devrait (ni trop, ni pas assez). Mais aussi pour vérifier qu’on ne passe pas trop de temps sur une tâche au dépend des autres.

Pour les managers, bien configuré, cet outil sera plus efficace qu’un fichier Excel pour identifier les goulots d’étranglement en production. Pensez-y vous aussi 😉


Le matériel


On y pense jamais assez, mais en télétravail on peut être amené à utiliser le même ordinateur pour bosser, que pour regarder Netflix le soir… C’est pas top. Car vous avez à disposition au même endroit vos logiciels de travail et vos logiciels perso…

Essayez le plus possible d’avoir deux comptes sur votre PC, (ou deux PC même si vous pouvez) et séparer les logiciels de l’un et de l’autre.

Le passage de votre session pro à perso sur votre ordinateur, peut même s’intégrer dans votre rituel si vous avez choisi cette méthode.

L’honnêteté, toujours.


Si vos collègues pensent que vous bossez, bossez, sinon dites leurs, et bossez plus tard.
Je recevais régulièrement des mails de l’un de mes collègues, qui juste par politesse m’expliquait : ‘’Je dois m’absenter 2 à 3h pour xxx raison. Je reviens après’’. Même certaines fois, il n’y avait pas de raison. Simplement tout le monde savait qu’il ne serait pas joignable. Et alors ? Tant que le job est fait…Personne n’y voit d’inconvénient.

“Je comprends… Mais franchement si je fais ça je vais me faire taper sur les doigts”.

Si c’est ce que vous vous dites, sachez que je comprends parfaitement. Malheureusement je n’ai pas de solution pour vous dans l’immédiat. C’est un problème de confiance que l’on vous accorde. Je l’aborderais sûrement dans un prochain article, mais dans l’immédiat, vous pouvez tenter de rassurer votre hiérarchie, en discuter avec eux, pourquoi pas leur transmettre mes articles.


C’est tout pour aujourd’hui.


J’espère que cela vous a aidé. Dites-le moi en commentaires, ou sur Twitter / LinkedIn. N’hésitez pas à partager votre organisation et votre métier afin que tout le monde puisse s’en inspirer, et aussi parce que je suis curieux du vôtre !

Bon, je voulais aborder le côté manager de la chose, développer l’aspect organisation entre collègues, qui possède quelques aspects subtils, ni comment organiser ce qui nous manque le plus : la machine à café, et les réunions de couloir.

Et puis vous savez ce que c’est, je me suis laissé embarqué.

Donc à moins que vous ayez d’autres sujets brûlants que vous souhaitez aborder, ce sera l’objet du prochain article de la série.

Bref… À bientôt 😉