Télétravail : Le Guide Complet — Chapitre IV-2

Nicolas Hermet - 2020-05-15
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La communication est la clef de votre réussite… Et de celles des autres.

La série d’articles :



Bon je sais. Le chapitre précédent n’était pas forcément ce que vous attendiez. Mais il était nécessaire car il va éclairer celui-ci ainsi que quelques-uns des suivants.

Cette fois-ci je m’appuierai beaucoup sur Work Clean : The Life-Changing Power of Mise-en-Place to Organize your Life, Work and Mind de Dan Charnas. Il aborde justement cette notion de communication que l’on va voir ensemble, mais est aussi très inspirant si vous avez des problèmes d’organisation, des problèmes de perfectionnisme, et plein d’autres encore. Je vous le recommande chaudement.



En télétravail : il faut communiquer plus !


Si vous n’êtes pas convaincu : vous pouvez relire le chapitre IV-1.

Il faut aussi surtout communiquer mieux.

Le télétravail : ce monde asynchrone.


A moins de faire visio sur visio ou de passer votre vie au téléphone avec tout le monde, (je vous le déconseille très très fortement), vous vivez désormais dans un monde où la transmission d’information est asynchrone.

Cela veut dire que lorsque vous posez une question, vous n’aurez pas directement la réponse. D’ailleurs, vous ne savez pas quand vous l’aurez. Ni même si vous l’aurez, cette réponse !

Il y a de grandes chances que la majorité de vos échanges se fassent par écrit. Or, de nos jours, l’instantanéité de l’accès à l’information, via les réseaux sociaux notamment, appauvrit l’écriture au profit de la vidéo, du gif et du tweet.

On veut aller vite, et même les media d’investigation finissent par tomber dans ce piège de la précipitation.

Car à mon sens, et surtout au sein d’une entreprise, on confond vitesse et précipitation dans cette transmission d’information. Il est largement préférable de se concentrer sur un écrit de qualité, qui soit à la fois, le plus concis possible, le plus efficace, mais aussi le plus exhaustif quant à l’information que l’on souhaite faire passer.

Le temps passé à rédiger quelque chose de structuré, correctement articulé et sans ambiguïté profitera à tous, et empêchera de multiples aller retours d’e-mails du type : “Tu sais où je peux trouver cette info ? Attends on en a déjà parlé de ça ? Non je ne me souviens pas qu’on ai abordé le sujet !”


L’impact d’une information bien écrite.


Le premier corollaire d’une information bien écrite, c’est une information bien lue. Cela va de soi, mais je préfère le rappeler. Aussi faut-il reprendre le temps d’une lecture calme et attentive.

Le deuxième corollaire, c’est qu’elle est bien rangée et stockée d’une manière logique dans vos serveurs. Pas en vrac dans des boîtes mails que personne ne trie (si en revanche cela vous intéresse de progresser sur votre boîte mail : la méthode zéros Inbox est redoutable).

En tout cas : l’information devient accessible en tout temps, à tout le monde.

Vous ne me croyez pas ? La fameuse société Basecamp dont je vous ai déjà parlé fonctionne en 100% télétravail depuis plusieurs dizaines d’années maintenant. Ils possèdent des collaborateurs dans tous les continents et se fichent de savoir où vous habitez dans le monde lorsqu’ils vous recrutent. Mais si vous postulez, on ne vous demandera qu’une lettre de motivation. Ce procédé semble anachronique, archaïque pour une société comme la leur. Pourtant ils l’expliquent fort bien dans leur livre sur le télétravail, si vous n’êtes pas capable, par un écrit d’une page, de leur donner envie de vous rencontrer, comment pourraient-ils imaginer travailler à distance avec vous, alors que la majorité de votre travail consistera à écrire à vos collègues ? Implacable.

Les règles d’or de la communication en équipe


Si l’écrit est la forme de communication, ces quelques points vont vous éclairer sur le fond.

Vous n’êtes pas obligé de me croire. Mais ces seuls principes m’ont permi en 2013 de diviser par 6 le temps de production d’une équipe offshore située à Noida (Inde). Non je n’exagère pas. Nous sommes littéralement passé de 30 jours de production, à seulement 5 jours pour la même tâche.

Ces trois principes sont simples, j’en fais depuis mes règles d’or :
  1. Mieux vaut être lourd qu’ambigu.
  2. Accuser réception.
  3. Si ce n’est pas bien compris par l’autre, c’est que ce n’est pas bien expliqué par soi.

Voilà. C’est tout.

Reprenons ces points calmement

Mieux vaut être lourd qu’ambigu.


Oui.

Je veux dire par là plusieurs choses. La première c’est que personne n’est dans votre tête. Donc il vaut mieux mettre trop de mots que de se dire : “C’est bon, tout le monde sait de quoi je parle”.

Ensuite, l’appellation des choses est importante : un chat, c’est un chat. Pas un greffier, un matou, un félin ou je ne sais quoi d’autres. Utilisez la terminologie de votre entreprise et n’en changez pas. Sous aucun prétexte. Aucun raccourci, aucune excuse !

Quitte à utiliser des répétitions dans votre phrase ! Je sais que la langue française n’aime généralement pas les répétitions. Mais en mathématiques, informatique, (ou même en Anglais) par exemple, tout le monde s’en fout. En maths et informatique, l’ambigu n’a pas sa place. Faites-en de même.

Prenez vos collègues pour des cons. Expliquez-leur des évidences. Cela peut paraître fou, débile, irrespectueux même… Mais souvent les gens n’osent pas poser des questions “parce qu’on est sensé le savoir ça !”… Oui… Sauf que non.

Donc autant rappeler les évidences. Si votre document est bien structuré, le lecteur saura sauter le paragraphe concerné : temps de lecture perdu 0, lecteurs perdus 0. De toute façon, personne ne le prendra mal : puisque tout le monde à confiance en vous maintenant. N’est-ce pas ?

Ne personnifiez pas les choses
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Exemple, dans mon métier on parle souvent de serveurs, de programmes informatiques. Quelques fois, certaines personnes (qualifiées) m’envoient un mail pour me dire : “Ça ne marche pas, il renvoie une erreur”. Cela m’horripile. “Ça” de quoi parle-t-on ? “ne marche pas” c’est normale ce n’est pas un bipède grrrr ! “il” mais QUI ??? (ou quoi ?) “me renvoie une erreur” Quelle erreur ? Sous quelle forme ?? Pour informer de quoi ????? Ici, dans l’ordre en 8 mots seulement : imprécision, non-sens, personnification, absence de détails. Cette phrase ne peut que ralentir la productivité des deux interlocuteurs.

En effet, en l’état, l’information ne m’est d’aucune utilité. Je ne peux rien faire pour aider mon interlocuteur si je ne passe pas au moins 10 minutes à lui poser toutes ces questions. Ainsi, je perds du temps, je suis obligé de le déranger par téléphone (vu que l’écrit n’a pas l’air d’être son truc). Et pire, si je ne le contacte pas pour m’éclairer, et commence à essayer de résoudre le problème, je prends le risque de perdre plusieurs heures de mon temps à résoudre le mauvais bug…

Mais comment tourner correctement les choses ?

“Lorsque j’exécute le programme XXX, un message d’alerte s’affiche pour me donner l’erreur ‘YYY’. Penses-tu pouvoir t’en occuper ? Si oui, d’ici quels délais ?”

Voilà, la phrase est plus longue, chaque mot est consciemment pesé et utile. Ce n’est peut-être pas suffisant pour comprendre la provenance ou résoudre le bug. Mais au moins je sais où je vais, je sais qu’on attend quelque chose de moi. Je peux donc y répondre sereinement.

Exercice 1 : Le boucher est fermé, j’ai réparé la fuite, je vais faire de l’essence. Ces trois affirmations sont fausses archifausses. Sauriez-vous dire pourquoi ?
Indice : le boucher a-t-il un problème gastrique qui ne nous regarde pas ? Êtes-vous un processus de décomposition de résidus d’organismes vivants ?

Exercice 2 : Aujourd’hui, essayez de déceler les ambiguïtés dans vos discours écrits et oraux comme dans ceux de vos collègues, ainsi que les phrases du type de l’exercice 1. Comptez-les.

Exercice 3 : Regardez cette vidéo, et essayez de voir comment, en ajoutant juste un mot, cet homme peut faire comprendre correctement de quoi il est en train de parler.
Indice, cela se passe dans les 10 premiers mots prononcés.
Exercice 2 : trouver le passage à modifier dans cette vidéo pour enlever l’ambiguïté.


Accusez Réception : CHEF OUI CHEF !


Je voulais vous mettre Etchebest ici mais j’ai pas trouvé.


Reprenons l’exemple de tout à l’heure et imaginons que je reçoive cette demande par e-mail:

“Lorsque j’exécute le programme XXX, un message d’alerte s’affiche pour me donner l’erreur ‘YYY’. Penses-tu pouvoir t’en occuper ? Si oui, d’ici quels délais ?”

Il est clair que mon interlocuteur attend une réponse. Il n’attend pas la résolution du problème : il attend de savoir si oui je vais bien pouvoir prendre en compte sa requête.
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Mais lui répondre immédiatement ce serait enfreindre ma règle sur les réponses aux mails non ? (Celle qui dit qu’on ne répond pas immédiatement à un e-mail)

Pas tout à fait. J’ai dit que les e-mails devaient être utilisés pour des choses importantes et non urgentes. Mais il est clair que ce qui est urgent ou important pour vous ne l’est pas forcément pour votre interlocuteur et inversement. Dans tous les cas, ce mail constitue une tâche. Cette tâche vous savez la classer en termes d’importance par rapport à vos autres tâches. Vous savez donc plus ou moins estimer à quel moment vous pourrez vous en occuper.

ALORS DITES-LE !

En effet, même si ce sont des estimations, votre interlocuteur doit savoir que son e-mail est pris en compte. Une simple réponse :

“J’ai bien pris note de ton souci. Je pense que c’est dans mes cordes. Je pourrais m’en occuper d’ici [xxx temps].”

Bien sûr : vous venez de vous engager. Donc vous ne venez pas de balancer une date au pif histoire d’être tranquille et de faire croire que vous allez vous en occuper rapidement alors que vous ne pouvez pas. Sinon vous trahiriez la confiance de vos collègues… N’est-ce pas ?

CHEF OUI CHEF

“Mais sérieux il lui arrive quoi avec ses injonctions militaires et Etchebest ?”
C’est ce que vous vous dites non ?
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Je comprends. Moi non plus je ne comprenais pas comment une cuisine de chef étoilé pouvait m’aider dans ma gestion de projet en développement web… Jusqu’à ce que je lise Work Clean : The Life-Changing Power of Mise-en-Place to Organize your Life, Work and Mind de Dan Charnas.

Les chefs sont les maîtres de la communication en équipe. Observons les quelques instants :

Dans une cuisine de restaurant, ça gueule de tous les côtés. UN TOURNEDOS, DEUX CÉSARS !

Mais ça répond aussi : CHEF OUI CHEF… D’ailleurs en réalité vous n’entendrez jamais cette dernière phrase seule. Mais vous risquez plutôt d’entendre deux personnes différentes gueuler :
- UN TOURNEDOS CHEF !
- DEUX CÉSARS CHEF !

C’est pas anodin.

Les commandes arrivent, le serveur ou la serveuse gueule la commande au chef. Le ou la chef gueule encore plus fort la commande à ses commis. D’une part, pour signifier au serveur ou à la serveuse qu’il a bien reçu la commande et qu’elle arrivera dans un délai raisonnable pour les clients. Et d’autre part pour transmettre la commande aux commis, ou cuistots qui sont peut-être beaucoup trop loin dans la cuisine pour entendre la demande initiale. En une gueulante : le ou la chef accuse réception et transmet l’ordre. C’est pas beau ?

Là-dessus, les cuistots ou commis gueulent à leur tour l’action qu’ils vont prendre sous leurs responsabilités. De cette manière, le ou la chef sait : pour chacune des tâches, que quelqu’un s’en occupe et s’engage. Il sait aussi que son ordre a été compris de la même manière que ce qu’il ou elle a transmis.

En effet, imaginez, moi qui suis à moitié sourd (ou des fois un peu con) en tant que commis d’Etchebest qui me gueule UN TOURNEDOS !!!! Et que je réponde : UN DOS DE CABILLAUD CHEF !!! Me jugez pas, les sons se ressemblent vachement.

Bon, déjà heureusement que je suis développeur, et pas commis d’Etchebest, mais surtout, dans un cas comme ça : direct, le chef sait que j’ai rien pané à son ordre. Il sait que son ordre n’est pas passé comme il devrait. C’est clair pour tout le monde et personne n’aura de mauvaise surprise à la livraison.


Si ce n’est pas bien compris par l’autre, c’est que ce n’est pas bien expliqué par soi.


Cela paraît évident, mais réfléchissez-y lorsque Clarence n’aura rien compris à votre dernier e-mail et qu’elle vous posera une question qui vous semble débile.

Souvenez-vous en lorsque Régis vous posera une question qui n’a rien à voir avec la tâche que vous lui avez confié.

Faites un effort supplémentaire chaque fois que le résultat d’un de vos collègues n’est pas à la hauteur de ce que vous attendiez : c’est que vous n’avez pas expliqué clairement ce que vous vouliez. C’est le signe que votre communication est ambiguë, ou qu’elle ne provoque pas d’engagement de la part de vos interlocuteurs. S’ils ne comprennent pas où vous voulez aller, comment peuvent-ils vous aider sur les étapes intermédiaires ?

Dans de tels cas, c’est que vous n’appliquez probablement pas ce que je vous conseille dans cet article.

Sans communication, aucune répartition des tâches possibles.


La communication en équipe est un sujet sans fin, aussi je vais arrêter là pour cet article déjà bien long.

Mais la communication c’est ce qui permet une chose plus importante encore : accomplir le travail.

Parce qu’il ne faudrait pas l’oublier, mais c’est pour ça qu’on est la : get the shit done.

Dans le prochain article on abordera la répartition des tâches en équipe. On va voir qu’en télétravail on a besoin de tâches claires, mais surtout de savoir pourquoi on doit effectuer ces tâches.

On verra aussi ensemble comment les équipes de développeurs font (méthodes Agiles) et comment cela peut s’appliquer à beaucoup d’autres métiers.

Ce qui nous amènera forcément sur les outils nécessaires en télétravail.

Bref… À bientôt 😉
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